Si les premières œuvres réalisées par Camille Claudel au début de sa relation avec Rodin témoignent de l’influence du maître, c’est au cours de cette relation fusionnelle que se révèlent sa personnalité et l’ampleur de son talent.
En 1886, Camille Claudel quitte sa famille pour s’installer dans un nouvel atelier, à quelque pas de l’atelier d’Auguste Rodin. C’est la période où les deux sculpteurs sont les plus proches. Rodin, qui considère déjà sa jeune collaboratrice comme une grande artiste, lui communique tout son savoir et en retour a « [...] le bonheur d’être toujours compris, de voir son attente toujours dépassée [...] ». C’est « l’une des grandes joies de sa vie artistique » (Mathias Morhardt).
Séjour en Angleterre
Au printemps 1886, Camille Claudel séjourne chez les Lipscomb à Peterborough en Angleterre puis, en août, sur l’île de Wight chez le docteur Jeans avec Jessie Lipscomb et Paul Claudel, où elle réalise des fusains (Florence Jeans, Docteur Jeans…). Elle expose à Nottingham Castle le Portrait de Jessie en terre crue. L’année suivante, Jessie y expose un buste de Camille Claudel.
À son retour d’Angleterre, Camille Claudel exige d’Auguste Rodin, qu’il n’accepte aucune autre élève qu’elle, qu’il la protège dans les cercles artistiques et qu’il l’épouse à l’issue d’un voyage en Italie ou au Chili. Il s’y engage par une lettre signée le 12 octobre mais qui n’aura pas de suite.
Sakountala
En novembre 1886, Claudel concentre son énergie sur la réalisation d’un grand groupe inspiré d’un drame du poète hindou Kâlidâsa : Sakountala. Commencé dans l’atelier 117, rue Notre-Dame-des-Champs, il est achevé 113, boulevard d’Italie, dans l’atelier où elle s’installe en janvier 1888. Une photographie la montre devant la figure féminine modelée en terre d’après le modèle Jasmina, dont le nom revient régulièrement dans la correspondance de l’artiste.
Le 8 novembre 1886 elle écrit à son amie Florence Jeans :
« [...] Je travaille maintenant à mes deux grandes figures plus que grandeur nature et j’ai deux modèles par jour : femme le matin, homme le soir. Vous pouvez penser si je suis fatiguée : je travaille régulièrement 12 heures par jours de 7 heures matin à 7 heures soir, en revenant, il m’est impossible de tenir sur mes jambes et je me couche tout de suite. »
Le plâtre de Sakountala (musée de Châteauroux) est récompensé par une mention honorable au Salon des artistes français de 1888, mais, malgré tous ses efforts, la sculptrice n’en obtient pas de commande en marbre ou en bronze. Le musée Camille Claudel conserve un bronze de sauvegarde posthume, fondu d’après le plâtre endommagé.
Le château de l’Islette et la Folie-Neubourg, refuges d’un amour clandestin
En 1887, lors d’un premier voyage en Touraine à la recherche de références pour l’élaboration du Monument à Balzac, Claudel et Rodin séjournent au château de l’Islette à Azay-le-Rideau. Elle y retourne pendant quatre étés consécutifs et y élabore le buste de la petite-fille de la propriétaire du château, La Petite Châtelaine.
Au Salon des artistes français de 1887, Camille Claudel expose Jeune Romain et la Jeune fille à la gerbe (conservée au musée Rodin, fonte posthume au musée Camille Claudel).
À partir de 1888, Rodin loue la Folie-Neubourg au Clos-Payen situé au 68, boulevard d’Italie, pour travailler seul avec Camille Claudel. Celle-ci déménage en janvier au 113, boulevard d’Italie (actuellement boulevard Auguste-Blanqui) situé presque en face.
En 1890, Rodin co-fonde la Société nationale des beaux-arts pour lutter « contre un art amolli et sans idées ». Celle-ci organise son propre Salon, dont Claudel devient sociétaire. En 1892, elle y expose son Buste d’Auguste Rodin.
La même année, Claudel loue un appartement au 11, avenue de La Bourdonnais, près de l’atelier de Rodin au Dépôt des marbres, rue de l’Université, mais conserve encore son atelier du boulevard d’Italie. Peu à peu, les relations amoureuses et professionnelles entre les deux sculpteurs se distendent. Néanmoins, dans les années qui suivent, Rodin continue discrètement à soutenir Claudel dans le milieu artistique et sur le plan financier.
La famille Claudel le jour des fiançailles de Louise et Ferdinand de Massary, 1886
Pavillon du Japon à l’Exposition universelle de 1889