1909 - 1943 : Les années d’enfermement


Des crises de paranoïa délirante, centrées sur « la bande à Rodin », affectent la créativité de Camille Claudel, jusqu’à la tarir. Elle est internée le 10 mars 1913, pour le restant de ses jours.


Destructions 

À partir de 1911, l’état de santé physique et mentale de Camille Claudel devient réellement préoccupant. Elle ne sculpte plus et mène une vie misérable, barricadée dans son logement persuadée que « la bande à Rodin » la persécute. Elle détruit certaines de ses œuvres, comme en témoigne une lettre écrite vers 1912 à sa cousine Henriette Thierry : 
« Lorsque j’ai reçu votre lettre de faire-part, j’étais dans une telle colère que j’ai pris toutes mes esquisses de cire, je les ai flanquées dans le feu, ça m’a fait une belle flambée, je me suis chauffée les pieds à la lueur de l'incendie, c’est comme ça que je fais quand il m’arrive quelque chose de désagréable, je prends mon marteau et j’écrabouille un bonhomme. (…) 
La grande statue a suivi de près le sort malheureux de ses petites sœurs en cire car la mort d’Henri a été suivie quelques jours après d’une autre mauvaise nouvelle (…). Aussi beaucoup d’autres exécutions capitales ont eu lieu aussitôt après, un monceau de plâtras s’accumule au milieu de mon atelier, c’est un véritable sacrifice humain. » 

1913 : l’internement

Le 3 mars 1913, Louis-Prosper Claudel meurt à Villeneuve-sur-Fère. N’étant pas informée du décès, Camille Claudel n’assiste pas aux obsèques de son père qui lui avait toujours manifesté amour et protection. 
Le 7 mars, constatant la psychose délirante de l’artiste, le docteur Michaux rédige un certificat d'internement et le 10 mars, elle est internée à l’hôpital de Ville-Evrard, en région parisienne. La procédure utilisée est celle du « placement volontaire » demandé par sa mère. Camille Claudel a 48 ans. 
En raison de la guerre, Camille Claudel est transférée à l'asile de Montdevergues à Montfavet dans le Vaucluse en septembre 1914. 
Elle ne sculpte pas et ne reçoit aucune visite de sa mère, qui meurt en 1929, ni de sa sœur, décédée en 1935. Retenu à l’étranger par ses fonctions diplomatiques, son frère Paul vient la voir une douzaine de fois. En 1929, sa vieille amie, Jessie Lipscomb, lui rend visite avec son époux à l’occasion d’un voyage en Europe. Cette rencontre est immortalisée par une photographie. 
Camille Claudel meurt le 19 octobre 1943 à l’âge de 78 ans. Son frère lui avait rendu une dernière visite le 21 septembre. Elle est inhumée au cimetière de Montfavet dans une tombe provisoire avant que sa dépouille ne soit transférée, dix ans plus tard, dans une fosse commune. 

Lente reconnaissance 

En 1914, alors qu’Auguste Rodin prépare l’établissement de son musée dans l’hôtel Biron, Mathias Morhardt lui propose d’y réserver une salle aux œuvres de Camille Claudel. Rodin approuve l’initiative, mais Paul Claudel s’y oppose catégoriquement. Rodin meurt le 17 novembre 1917. 
Entre 1934 et 1938, des œuvres de Camille Claudel sont exposées au Salon des femmes artistes modernes (L’ImploranteLa ValseBuste de Rodin).  
En 1949, contre toute attente, Paul Claudel sollicité le musée Rodin pour organiser une rétrospective de l’œuvre de sa sœur. Une collaboration étroite s’établit entre Cécile Goldscheider et le poète, auteur de la préface du catalogue, « Ma sœur Camille », dans laquelle il dresse une étude de l’œuvre et un portrait intime de l’artiste. La grande rétrospective est inaugurée  le 16 novembre 1951. En 1952, Paul Claudel offre quatre œuvres essentielles au musée Rodin : les deux versions de L’ Âge mûr, Vertumne et Pomone et Clotho
Exceptée cette exposition, Camille Claudel tombe dans un profond oubli pendant plusieurs décennies. Il faut attendre les années 1980 pour que commence la lente reconnaissance de son œuvre grâce au travail des historiens de l’art, qui aboutit à l’ouverture du musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine, en mars 2017. 

1893 -1908 : Les années de création solitaire


« […] J’ai beaucoup d’idées nouvelles qui te plairaient énormément […]. J’ai un grand plaisir à travailler […]. Tu vois que ce n’est plus du tout du Rodin […]. » Ces quelques phrases extraites de la lettre que Camille Claudel adresse à son frère en décembre 1893 révèlent l’état d’esprit qui la gouverne désormais.


Séparation avec Rodin

Dans les années 1890, exaspérée par les critiques qui rapprochent sans cesse son travail de celui de Rodin, Claudel recherche une esthétique résolument personnelle et moderne. Les Croquis d’après nature sont l’aboutissement de ces réflexions : Les Causeuses, La Vague, Rêve au coin du feu... Malgré leur abondance attestée par les sources de l’époque, très peu de ces sculptures de dimensions réduites nous sont parvenues. Certaines ont probablement été détruites par l’artiste dans des moments de détresse. Représentant des scènes observées dans le quotidien, elles sont notamment influencées par l’art japonais, découvert par l’artiste à l’Exposition universelle de 1889 et dans les collections des amateurs parisiens. 

En 1893, la sculptrice expose au Salon de la Société nationale des beaux-arts deux œuvres majeures : La Valse (n°37) et Clotho (n°38).  La même année 1893, Paul Claudel entame une carrière diplomatique en tant que vice-consul à New York. L’éloignement de Paul coïncide avec l’amorce de la séparation avec Rodin et dans les années qui suivent, elle s’efforce de mobiliser d’autres soutiens pour promouvoir son travail. 

L’indépendance 

En 1895, Camille Claudel reçoit deux commandes pour des œuvres majeures : en janvier, Clotho en marbre à la suite du banquet donné en l’honneur de Puvis de Chavannes, puis, en juillet, sa première commande par l’État : L’Âge mûr. Les rapports de l’inspecteur Dayot et les maquettes conservées au musée Rodin permettent de suivre les étapes de l’élaboration de cette sculpture. En définitive, l’État n’honore pas sa commande pour des raisons obscures. Quant à Clotho, le marbre disparaît étrangement du musée du Luxembourg. 
En 1896, Camille Claudel fait deux rencontres importantes : Mathias Morhardt, rédacteur au journal Le Temps, et la comtesse de Maigret, qui sera sa principale mécène jusqu’en 1905. Elle lui commande notamment Persée et la Gorgone, qui restera son unique marbre monumental. 
En mars 1898, Morhardt publie dans Le Mercure de France la première biographie de l’artiste. Celle-ci charge le journaliste de convaincre Rodin de ne plus lui rendre visite pour apporter la preuve qu’il n’intervient pas dans la création de ses œuvres et elle rompt définitivement avec lui en changeant d’atelier pour s’installer 63, rue de Turenne et, peu après, quai de Bourbon. 

« Camille Claudel, statuaire » 

En août 1905, Camille et Paul Claudel séjournent ensemble dans les Pyrénées. Paul publie l’article « Camille Claudel, statuaire » dans le journal L’Occident et Camille élabore son Buste de Paul à trente-sept ans, dernière œuvre vraiment originale de l’artiste. 
La sculptrice expose à la fois au Salon des artistes français (Vertumne et Pomone, marbre ; La Sirène, bronze) et au Salon d’automne (L’Abandon, bronze). Puis, en décembre, Eugène Blot lui consacre une exposition dans sa galerie. Il contribue à la diffusion de son travail en éditant en bronze des œuvres telles que L’Implorante, La Fortune, La Sirène, L’Abandon, La Valse, Les Causeuses... Ces bronzes sont présentés dans le fonds permanent de la galerie et seront régulièrement exposés dans des manifestations de groupe. Au cours de la soirée suivant l'inauguration en décembre 1905, Claudel s'emporte et son comportement fait scandale. La violence de son attitude, ses démonstrations choquantes l’éloignent de ceux qui étaient restés ses amis. 
En 1906, l’artiste obtient une dernière commande de la direction des Beaux-Arts, Niobide blessée (bronze déposé au musée des Beaux-Arts de Poitiers), pour laquelle elle réutilise la figure féminine de Sakountala. L’année suivante, par l’intermédiaire d’Eugène Blot, l’État achète un tirage en bronze de L’Abandon (déposé au musée de Cambrai).  

1886 - 1893 : Auguste Rodin et Camille Claudel, le temps d’un amour tumultueux et d’un dialogue artistique passionné


Si les premières œuvres réalisées par Camille Claudel au début de sa relation avec Rodin témoignent de l’influence du maître, c’est au cours de cette relation fusionnelle que se révèlent sa personnalité et l’ampleur de son talent.  


En 1886, Camille Claudel quitte sa famille pour s’installer dans un nouvel atelier, à quelque pas de l’atelier d’Auguste Rodin. C’est la période où les deux sculpteurs sont les plus proches. Rodin, qui considère déjà sa jeune collaboratrice comme une grande artiste, lui communique tout son savoir et en retour a « [...] le bonheur d’être toujours compris, de voir son attente toujours dépassée [...] ». C’est « l’une des grandes joies de sa vie artistique » (Mathias Morhardt).  

Séjour en Angleterre 

Au printemps 1886, Camille Claudel séjourne chez les Lipscomb à Peterborough en Angleterre puis, en août, sur l’île de Wight chez le docteur Jeans avec Jessie Lipscomb et Paul Claudel, où elle réalise des fusains (Florence Jeans, Docteur Jeans…). Elle expose à Nottingham Castle le Portrait de Jessie en terre crue. L’année suivante, Jessie y expose un buste de Camille Claudel. 
À son retour d’Angleterre, Camille Claudel exige d’Auguste Rodin, qu’il n’accepte aucune autre élève qu’elle, qu’il la protège dans les cercles artistiques et qu’il l’épouse à l’issue d’un voyage en Italie ou au Chili. Il s’y engage par une lettre signée le 12 octobre mais qui n’aura pas de suite. 

Sakountala

En novembre 1886, Claudel concentre son énergie sur la réalisation d’un grand groupe inspiré d’un drame du poète hindou Kâlidâsa : Sakountala. Commencé dans l’atelier 117, rue Notre-Dame-des-Champs, il est achevé 113, boulevard d’Italie, dans l’atelier où elle s’installe en janvier 1888. Une photographie la montre devant la figure féminine modelée en terre d’après le modèle Jasmina, dont le nom revient régulièrement dans la correspondance de l’artiste. 
Le 8 novembre 1886 elle écrit à son amie Florence Jeans :  
« [...] Je travaille maintenant à mes deux grandes figures plus que grandeur nature et j’ai deux modèles par jour : femme le matin, homme le soir. Vous pouvez penser si je suis fatiguée : je travaille régulièrement 12 heures par jours de 7 heures matin à 7 heures soir, en revenant, il m’est impossible de tenir sur mes jambes et je me couche tout de suite. » 
Le plâtre de Sakountala (musée de Châteauroux) est récompensé par une mention honorable au Salon des artistes français de 1888, mais, malgré tous ses efforts, la sculptrice n’en obtient pas de commande en marbre ou en bronze. Le musée Camille Claudel conserve un bronze de sauvegarde posthume, fondu d’après le plâtre endommagé. 

Le château de l’Islette et la Folie-Neubourg, refuges d’un amour clandestin 

En 1887, lors d’un premier voyage en Touraine à la recherche de références pour l’élaboration du Monument à Balzac, Claudel et Rodin séjournent au château de l’Islette à Azay-le-Rideau. Elle y retourne pendant quatre étés consécutifs et y élabore le buste de la petite-fille de la propriétaire du château, La Petite Châtelaine. 
Au Salon des artistes français de 1887, Camille Claudel expose Jeune Romain et la Jeune fille à la gerbe (conservée au musée Rodin, fonte posthume au musée Camille Claudel). 
À partir de 1888, Rodin loue la Folie-Neubourg au Clos-Payen situé au 68, boulevard d’Italie, pour travailler seul avec Camille Claudel. Celle-ci déménage en janvier au 113, boulevard d’Italie (actuellement boulevard Auguste-Blanqui) situé presque en face.  
En 1890, Rodin co-fonde la Société nationale des beaux-arts pour lutter « contre un art amolli et sans idées ». Celle-ci organise son propre Salon, dont Claudel devient sociétaire. En 1892, elle y expose son Buste d’Auguste Rodin. 
La même année, Claudel loue un appartement au 11, avenue de La Bourdonnais, près de l’atelier de Rodin au Dépôt des marbres, rue de l’Université, mais conserve encore son atelier du boulevard d’Italie. Peu à peu, les relations amoureuses et professionnelles entre les deux sculpteurs se distendent. Néanmoins, dans les années qui suivent, Rodin continue discrètement à soutenir Claudel dans le milieu artistique et sur le plan financier. 

 

La famille Claudel le jour des fiançailles de Louise et Ferdinand de Massary, 1886
La famille Claudel le jour des fiançailles de Louise et Ferdinand de Massary, 1886
Pavillon du Japon à l’Exposition universelle de 1889
Pavillon du Japon à l’Exposition universelle de 1889

1881 - 1885 : L’arrivée à Paris et la rencontre avec Auguste Rodin, un tournant décisif


Après Alfred Boucher, Auguste Rodin est séduit par le talent exceptionnel de sa nouvelle élève. A dix-neuf ans, Camille Claudel entre dans son atelier comme assistante et devient rapidement sa collaboratrice, sa maîtresse, son modèle et sa muse.


Installation et apprentissage à Paris

En 1881, Louise-Athanaïse Claudel s’installe avec ses trois enfants à Paris au 135, boulevard du Montparnasse. Paul entre au lycée Louis-le-Grand. Camille, ne pouvant intégrer l’École nationale des beaux-arts (interdite aux femmes jusqu’en 1897), suit quant à elle des cours de sculpture à l’académie Colarossi, 10 rue de la Grande-Chaumière.  
En 1882, la famille déménage au 111, rue Notre-Dame-des-Champs. Camille Claudel loue un atelier, au numéro 117 de la même rue, dont elle partage le loyer avec d’autres jeunes filles : Thérèse Caillaux, Madeleine Jouvray, Sigrid af Forselles et, plus tard, les Anglaises Amy Singer, Emily Fawcett puis Jessie Lipscomb. Alfred Boucher vient une fois par semaine corriger leurs travaux. De cette époque date l’élaboration du buste de La Vieille Hélène. Dans sa facture naturaliste, on perçoit l’influence des leçons d’Alfred Boucher et déjà tout le talent de portraitiste de Camille Claudel. 
Le Prix du Salon lui offrant l’opportunité d’un voyage d’étude en Italie, Boucher part à l’automne 1882 pour Florence. Rodin accepte de prendre le relais de son ami dans l’atelier de la rue Notre-Dame-des-Champs. Cité parmi les maîtres de la jeune sculptrice dans les livrets des Salons, Paul Dubois, originaire de Nogent-sur-Seine et directeur de l’École des Beaux-Arts, est également présenté par Alfred Boucher à sa jeune élève. Le rôle joué par Paul Dubois dans l'apprentissage de Camille Claudel reste néanmoins méconnu. 

Dans l’atelier de Rodin 

Rodin avait reçu en 1880, de la direction des Beaux-Arts, la commande de la porte du futur musée des Arts décoratifs (La Porte de l’Enfer), qui devait être construit à l’emplacement de la Cour des comptes incendiée pendant la Commune en 1871. Cette commande lui permet de bénéficier d’un atelier au Dépôt des marbres de l’État, rue de l’Université, qu’il conservera toute sa vie, et l’oblige à embaucher des aides et des praticiens, d’autant qu’il obtient bientôt celle des Bourgeois de Calais (commande officielle en janvier 1885). Il travaille également à ce groupe dans son atelier du 117, boulevard de Vaugirard. 
Rodin est séduit par le tempérament fougueux et le talent exceptionnel de sa nouvelle élève. Vers 1884, elle entre dans son atelier comme assistante et devient rapidement sa collaboratrice, sa maîtresse, son modèle et sa muse. Les deux artistes entament une relation fusionnelle et tourmentée qui les marquera à jamais. 
Camille Claudel et Auguste Rodin partagent ateliers et modèles. Ils travaillent en harmonie et s’influencent l’un l’autre, comme en témoigne leur interprétation respective de la Femme accroupie, ou encore la Jeune Fille à la gerbe et Galatée.  
Camille Claudel crée alors intensément et expose ses premiers portraits au Salon des artistes français : Giganti et La Vieille Hélène. 

1876 - 1881 : Une vocation précoce


C’est à Nogent-sur-Seine que la jeune Camille commence à se passionner pour le modelage et reçoit les premières leçons de sculpture d’Alfred Boucher, impressionné par sa vocation précoce. Cette rencontre est déterminante pour son avenir.


Installation à Nogent-sur-Seine

À l'automne 1876, Louis-Prosper Claudel est promu conservateur des hypothèques à Nogent-sur-Seine. Le couple et ses trois enfants s’installent pour trois ans dans une maison bourgeoise du XVIIIe siècle qui abrite désormais une partie des collections du musée. 
Camille a douze ans, Louise dix ans et Paul, huit ans. Leur éducation est confiée à un précepteur, Monsieur Colin, qui leur délivre un solide enseignement classique.  C’est à Nogent-sur-Seine que Camille Claudel modèle ses premières figures en terre, aujourd’hui disparues : David et Goliath, Bismarck, Napoléon.   Le premier biographe de l’artiste, Mathias Morhardt, résume ces années fondatrices (« Mademoiselle Camille Claudel », Mercure de France, 1898) :  
« Entre deux leçons de grammaire, d'arithmétique ou d'histoire, cet atelier [la maison familiale] est le centre de l'activité générale. Aidée par sa sœur cadette et par son jeune frère [...], Mademoiselle Claudel y gouverne en souveraine. C'est sous sa direction, et tandis qu'elle tord fiévreusement des boulettes, que l'un bat la terre à modeler, que l'autre gâche le plâtre, cependant qu’un troisième pose comme modèle [...] À cette époque, elle n'a pris encore aucune leçon soit de dessin, soit de modelage. Elle n'a d'autre idée sur le nu que celle que lui fournissait son écorché, et quelques gravures de livres anciens. N'importe, avec un miraculeux esprit d'entreprise elle le constitue tel qu'il lui semble qu'il doit être […] Tout ce qu'elle lit lui inspire des motifs de sculpture. ».  

 

Rencontre avec Alfred Boucher

Dès ses douze ans, Camille Claudel montre des dispositions étonnantes pour la sculpture. Son père, troublé par cette vocation si précoce, demande conseil, probablement par l'intermédiaire du précepteur de ses enfants, au sculpteur Alfred Boucher. Celui-ci décèle les aptitudes de la jeune fille, lui enseigne les rudiments de la sculpture et lui prodigue des conseils. Il vient de remporter le Second Prix de Rome de sculpture et son jugement fait autorité aux yeux de Louis-Prosper Claudel. Cette rencontre s’avère décisive pour l’avenir de jeune fille farouchement déterminée à devenir sculpteur. En effet, sur ses conseils, elle parvient à convaincre ses parents de s’installer à Paris. Cette décision nécessite une grande force de caractère. Être femme et sculpteur sonne comme un défi en cette fin du XIXe siècle où la carrière artistique est rarement compatible avec une vie de famille.

Histoire du musée

À l’origine du projet : Alfred Boucher

En 1902, Alfred Boucher était un artiste connu, reconnu, qui accumulait les distinctions et les commandes publiques. Il vivait entre Aix-les-Bains et Paris où, cette année-là, il ouvre la Ruche pour loger ses collègues artistes moins fortunés. Pourtant, il n’avait pas oublié la ville qui l’avait vu grandir et, en 1902 toujours, il est à l’origine de la création du musée de Nogent-sur-Seine. Dès l’inauguration, la collection renferme un fonds de sculptures significatif qui s’accroît rapidement dans les années qui suivent. Aux dons d’Alfred Boucher, s’ajoutent ceux d’autres sculpteurs ou de leurs ayants droit. Ainsi, quelques-unes des pièces maîtresses du musée Camille Claudel sont déjà présentées en 1902 : Le Souvenir de Paul Dubois, Première Pensée d’amour de Marius Ramus, les bustes de ses parents par Alfred Boucher. Cependant, la collection ne se cantonne alors pas à la sculpture. Alfred Boucher offre une partie de sa collection de peintures et d’arts graphiques, à laquelle s’ajoutent les dons de peintres contemporains tels que le paysagiste Léonce Vaÿsse. D’autres donateurs sont à l’origine d’un fonds hétéroclite de gravures, antiques, médailles, monnaies… Un ensemble très complet de céramiques est dû à la générosité conjuguée de la manufacture de Sèvres (792 objets) et d’Élise Boucher, l’épouse d’Alfred Boucher (54 objets). Cette participation exceptionnelle de la Manufacture de Sèvres a été certainement favorisée par les relations personnelles d’Alfred Boucher et trouve son prolongement dans les très importants dépôts accordés par la Cité de la céramique pour la réouverture du musée en 2017.

La façade du musée Dubois-Boucher, carte postale
La façade du musée Dubois-Boucher, carte postale © musée Camille Claudel
La galerie de sculpture, dispositions d’origine, carte postale
La galerie de sculpture, dispositions d’origine, carte postale

Installation du premier musée Dubois-Boucher

En 1902, le musée est d’abord installé au rez-de-chaussée du « Château », une ancienne demeure acquise par la municipalité en 1899 qui se dresse au milieu d’un jardin public. Il s’étend au premier étage dès 1903 puis, en 1905, une ancienne remise située en contrebas est rénovée et transformée en galerie de sculptures. Celle-ci est conçue pour accueillir des œuvres aussi monumentales que la Jeanne d’Arc de Paul Dubois et le Monument au docteur Ollier d’Alfred Boucher qui entrent alors dans les collections. Cette extension contribue à positionner l’établissement comme un musée de sculpture, même si les fonds de peinture et d’archéologie continuent à s’enrichir jusqu’au coup d’arrêt amené par la Seconde guerre mondiale. Le musée est pillé et beaucoup d’œuvres du fonds constitutif ne sont plus localisées aujourd’hui. Après-guerre, la sculpture française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle est complètement déconsidérée et le reste longtemps fermé. C’est finalement pour présenter le produit des fouilles archéologiques locales que le bâtiment retrouve sa fonction de musée en 1974. Puis, en 1978, Jacques Piette est nommé conservateur et entreprend un travail colossal d’inventaire, d’étude, de restauration et de mise en valeur des collections. Les bâtiments sont rénovés et la galerie des sculptures restaurée est inaugurée en 1995.

La galerie de sculpture du musée Dubois-Boucher après 1995
La galerie de sculpture du musée Dubois-Boucher après 1995

Naissance du musée Camille Claudel

En 2003, une exposition Camille Claudel est organisée à Nogent-sur-Seine avec les collections réunies par Reine-Marie Paris, la petite-nièce de l’artiste, et Philippe Cressent. Son énorme succès - quelques 40 000 visiteurs en trois mois – fait naître l’idée de donner une nouvelle ambition au musée Dubois-Boucher en le dotant d’un fonds Camille Claudel significatif. Deux premières œuvres sont acquises : une Étude pour la Tête d’Hamadryade (2006) et L’Implorante (petit modèle) (2007) puis, en 2008, Reine-Marie Paris et Philippe Cressent acceptent de vendre à la ville les collections qu’ils ont constituées au cours de longues années de recherches. La même année, Persée et la Gorgone, le seul marbre monumental de l’artiste, est acquis grâce au mécénat d’entreprises et à la participation de l’État (Fonds national du patrimoine). Enfin, en 2008 toujours, la municipalité acquiert la maison habitée par Camille Claudel avec ses parents de 1876 à 1879. Les bases du projet du musée Camille Claudel sont posées. Yves Bourel puis, à partir de 2012, Françoise Magny, conçoivent un projet qui allie la présentation de la carrière de Camille Claudel à sa contextualisation. La première partie du parcours présente ainsi un panorama de la sculpture française au temps de Camille Claudel grâce au fonds du musée Dubois-Boucher et à une soixantaine de dépôts accordés par quinze institutions différentes. L’ensemble est remis en valeur grâce à une campagne de restauration complète et à l’écrin conçu par l’architecte Adelfo Scaranello.

En juillet 2013, vue sur la façade extérieure de la maison Claudel dégagée après les déconstructions.
En juillet 2013, vue sur la façade extérieure de la maison Claudel dégagée après les déconstructions.
Le musée Camille Claudel au début de l’année 2015, l’on peut observer la toiture entièrement rénovée.
Le musée Camille Claudel au début de l’année 2015, l’on peut observer la toiture entièrement rénovée.
Le musée Camille Claudel en juillet 2015.
Le musée Camille Claudel en juillet 2015.
Le musée Camille Claudel avant son ouverture au public.
Le musée Camille Claudel avant son ouverture au public. © Marco Illuminati

 


Ouverture du musée Camille Claudel 

Le musée Camille Claudel ouvre ses portes à Nogent-sur-Seine le 26 mars 2017. Musée à la double identité, héritée à la fois du premier musée fondé par Alfred Boucher en 1902 et de l'acquisition de la collection Camille Claudel en 2008. Il déploie un parcours à la fois thématique, sur la sculpture de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, et monographique, autour de l'oeuvre de Camille Claudel.
 

La plus grande collection des œuvres de Camille Claudel

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Musée Camille Claudel
10 Rue Gustave Flaubert
10400 Nogent-sur-Seine (Aube en Champagne)
+33(0) 3 25 24 76 34

Depuis Paris :

Par le train : au départ de la gare de l’Est, trajet de 55 minutes puis 10 min à pied jusqu’au musée
Par la route : 1h20 par la Nationale 4 ou par l’A4 et la Départementale 231

Tarifs

  • Plein tarif : 10 € 
  • Tarif réduit : 6 €
  • Entrée gratuite pour les moins de 26 ans et les Nogentais
  • Entrée gratuite pour tous, les premiers dimanches de chaque mois

Pointes à retouches bifaciales

Pointes à retouches bifaciales Pointes à retouches bifaciales

Pointes à retouches bifaciales

Entre 6000 et 2200 avant notre ère Origine : Prospections pédestres à Fouchères N° d'inventaire : 2013.0.02.39 Copyright : Musée Camille Claudel

Cet ensemble de 25 silex taillés provient d’un site localisé aux abords de Fouchères, hameau de la commune de Chalautre-la-Grande. Plusieurs centaines de pièces ont été recueillies dans une vaste zone à la frontière de l’Aube et de la Seine-et-Marne (Louan, Courtioux, Fouchères, Resson, Puits Jolly et Liours) dans les années soixante par le Groupe archéologique du Nogentais. Cette zone aurait été particulièrement riche en silex, favorisant ainsi une production soutenue au cours du Néolithique (-6000/-2200).

Ces silex de petites dimensions (7cm de long pour les plus grands) présentent des retouches bifaciales, c’est-à-dire qu’ils ont été taillés sur leurs deux faces alternativement, de manière à obtenir un ou plusieurs côtés tranchants. Les retouches de ce type sont quelquefois interprétées comme la manifestation d’une recherche esthétique par certains préhistoriens. En effet, un tel degré de précision n’était pas nécessaire d’un point de vue fonctionnel. Ces petits objets étaient probablement des outils mais leur fonction précise reste difficile à déterminer.

Il est intéressant de noter que certaines pièces rappellent les bifaces du Moustérien (-350 000/-35 000) par leur forme en amande. En effet, le site de Fouchères a aussi livré des vestiges datant de cette période, ce qui prouve l’utilisation de ce gisement sur le temps long.